Titre original : Dunkirk
Réalisateur : Christopher Nolan
Genre : Guerre
Durée : 1h46
Chroniqueur : Adrien
Note : C'était pas ma guerre/20
Réalisateur : Christopher Nolan
Genre : Guerre
Durée : 1h46
Chroniqueur : Adrien
Note : C'était pas ma guerre/20
Synopsis : Le récit de la fameuse évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai 1940 (enfin... fameuse au Royaume-Uni parce que, en France, on préfère la partie de l’histoire où notre bon général débarque à Paris triomphant.).
Un nouveau projet de Christopher Nolan,
c’est toujours la promesse d’une hype non dissimulée. En effet, avec des films cultes tels que The
Dark Knight ou Inception, le réalisateur s'est taillé une réputation de cinéaste "classique".
Classique dans le sens où il a gagné l’image d’un auteur qui
suscite l’intérêt du public et de la critique.
Nolan, un réalisateur qui a le vent en poupe |
Ainsi, après un
Interstellar en demi-teinte, à la fois ambitieux mais franchement
trop verbeux et mélo, "Cricri", comme on l’appelle dans les milieux
autorisés, revient fleur au fusil avec Dunkerque. On suit donc à
travers trois espaces-temps distincts l’opération Dynamo de 1940
ayant eu pour but de sauver un maximum de soldats anglais de la
déroute face au rouleau-compresseur allemand. Et oui car, alerte
spoiler, la ligne Maginot, ce n'était une bonne idée que sur le papier car on s'est pris une bonne fessée par tonton Adolf, légèrement
vindicatif depuis le traité de Versailles mais ça c’est une autre
histoire.
Bref, on suivra donc un soldat anglais coincé sur une plage
durant une semaine, un bateau civil réquisitionné pour sauver les
soldats durant une journée et un pilote de Spitfire durant une heure,
le temps de vol qu'il lui reste dans son réservoir.
Ohé, Ohé, capitaine du Pas-de-Calais |
Alors, le reproche qui revient le plus
souvent à propos du film, c’est que c’est chiant parce que l'on ne
s’attache pas aux personnages. Oui... mais non car c’est un
choix pleinement assumé par Nolan qui revendique sa volonté d’avoir
mis en boite un survival. Ainsi, au fond, l’identité de ses
personnages importe peu car les conditions de la guerre les
réduisent tous à des corps en lutte pour survivre. Leurs histoires
ne comptent pas car ils sont tous prisonniers d’une urgence de
l’immédiat qui écrase passé et futur pour un présent se
déroulant implacablement. En effet, plus que l’armée d’en
face, l’ennemi principal du film est le temps. Au final, on ne verra donc jamais le
bout du nez d’un Fritz qui sera une menace d’autant plus
imprévisible qu’elle est partout et nulle part à la
fois.
- On nous attaque ! - Du calme, le bleu, c'est juste un pétard ! - Vous en connaissez beaucoup, des pétards à ailes et à hélices ?! |
Une balle qui siffle, la silhouette d’un bombardier ou encore
une torpille déchirant la surface de l’eau : le danger est partout
sans jamais se personnifier. Cela limiterait mécaniquement la menace
à un espace et une temporalité précises. A l’inverse, Nolan
explose l’espace et le temps, fragmentant les personnages au sein
d’un tourbillon d’images quasi muettes. Tout est ici question de
son, de musique et de montage qui métamorphosent le cinéma en une
fresque purement cinétique et sonore. Au fond, l’opération Dynamo
n’est qu’un prétexte puisque la narration du film tourne presque
à l’abstraction. Dunkerque aurait quasiment pu être remplacée par
une bataille spatiale dans un film de science-fiction ou une guerre entre orcs et humains dans
un film de fantasy.
Attention, Harry, des lutins de Germanie ! |
Cette abstraction prend aussi la forme
du principal antagoniste du film qui est, comme on l’a dit plus haut,
le temps. En effet, nos trois groupes de personnages sont dans
l’angoisse permanente d’une mort instantanée, de l’arrêt
brutal de ce temps synonyme de pression mais aussi synonyme que le fil de
leur vie n’a pas encore été tranché. C’est la menace des
pilonnages allemands sur la plage, d’un soldat traumatisé sur le
bateau ou encore d’un réservoir de carburant se vidant
inexorablement dans les cieux.
Nos personnages sont donc dans une
pression permanente orchestrée par la menace du temps, ce qui est
magnifié par l’incroyable composition de Hans Zimmer qui, plus que jamais,
brouille la frontière entre musique et bruitage. Le tic-tac
implacable des aiguilles d’une montre se mêle aux
violons stridents et aux bruits des moteurs dans une partition hybride
totalement dans la lignée du travail du bonhomme avec Nolan.
Tire sur mon doigt. |
La
preuve que ça marche du feu de dieu, c’est que, en sortant de
la salle, vous n’aurez pas un thème en tête mais une ambiance
sonore composite rythmée par ce cliquetis égrainant les secondes, à
la fois compte à rebours et métronome.
On comprend donc que le cœur de
Dunkerque, ce n’est pas la narration traditionnelle mais la
sensorialité brute d’un récit de cinéma. Ainsi, Nolan évacue la
dramaturgie classique au profit d’un pur objet filmique fruit d’un
montage et d’un rythme ciselés qui ne laissent aucun répit au
spectateur. Ce n'est donc pas un hasard si le récit est divisée en trois théâtres d'actions distincts d'un point de vue spatial et temporel. Tout le montage consistera alors à mettre en scène la collision entre ces fragments permettant ainsi l'alternance des points de vue et l'accélération du rythme jusqu’à la délivrance ou la mort. De l'impact de ces morceaux d'actions bruts, on se surprendra alors à apprécier quelques
fugaces moments de poésie d’autant plus puissants qu’ils émergent
de ce maelström cinétique. Les moteurs se coupent, l’horloge se
tait pour quelques instants d’apesanteur qui font partie des plus
belles images qu'il nous ait été donné de voir au cinéma cette année.
Pour conclure, Dunkerque est d’ores et
déjà un des meilleurs films de l'année tout simplement car il est
en soi un concentré de cinéma, l'extension d'une certaine vision
théorique qui considère que le montage est ce qui caractérise le
cinéma comme art et non le texte ou l'histoire plus globalement. Ce n'est ni plus ni moins que le travail d’un technicien hors pair qui, par une maîtrise sans
faille, accouche d’une œuvre puissante, sensorielle et paradoxalement
atemporelle alors que c’est le sujet principal du film. Moi je dis
chapeau Cricri.
Un petit coucou à la caméra, messieurs ! Chapeau l'artiste. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire