Réalisateur : Adam Wingard
Genre : Fantastique
Durée : 1h41
Acteurs principaux : Nat Wolff (rôle : Light Turner), Keith Stanfield (rôle : L), Margaret Qualley (rôle : Mia Sutton)
Chroniqueur : Adrien
Note : Vache Kira/20
On a beau avoir
l’esprit le plus ouvert du monde : certains projets ne nous
inspirent pas confiance, mais alors pas du tout et ce Death Note
sauce Netflix en fait partie. Pour les deux du fond qui ne l'ont pas
suivi, Death Note raconte à la base l’histoire de Light
Yagami, un étudiant brillant et sans histoire qui se retrouve
investi du jour au lendemain d’un cahier ayant le pouvoir de donner
la mort. Dans un léger délire mégalomaniaque, Light va alors
décider de devenir le dieu d’un nouveau monde expurgé du crime.
S'en suit alors une traque intense entre Light et L, enquêteur aussi
génial que mystérieux ayant pour mission de stopper Kira/Light. Ce
film est donc l’occasion de réfléchir à ce qu'est ou ce que
n'est pas une bonne adaptation.
Mon précieux... |
Adaptacon
Autant vous le dire tout de suite, le film d’Adam Wingard n’est vraiment pas à la hauteur. La première raison est mathématique : essayer de reprendre le même schéma que le bouquin ou la série animée mais en seulement 1h40 était voué à l’échec. Cependant, haut les cœurs les campeurs et aventurons-nous dans un étrange monde rempli de personnages mal écrits et d’incohérences n’ayant aucune vergogne à titiller votre suspension d’incrédulité. Exit donc Tokyo et bienvenue à Seattle où on suit Light Turner, étudiant brillant mais un peu neuneu qui a une vie de merde. Il se fait tabasser, les profs ne l'aiment pas, sa maman est morte et, en plus, il habite à 50 cm d’une voie ferrée, mais genre littéralement à 50 cm !
Contrairement à son nom, Light n'est pas une lumière... |
Clairement, l’étape
d’après aurait été que son petit chien aveugle se fasse
éventrer. Néanmoins, on commence à comprendre que, durant 1h40,
notre plus grand ennemi sera la subtilité. Donc, notre bon Light
trouve le cahier et a alors le choix entre réfléchir aux
conséquences d’un tel pouvoir ou, pour pécho, laisser la jolie
nana déglingo du lycée le lui montrer. Évidemment, Light, qui est
censé être un surdoué, choisit la deuxième solution. Faut dire
que la bougresse fumait sur le terrain de foot; elle avait
ainsi tous les signes pour être une Harley Quinn en puissance !
On va donc suivre
nos Bonnie & Clyde émos dans une aventure pas bien folichonne,
riche en moments gênants et en incohérences. Après tout, le film
vie grâce aux ados et, dans la tête d’un producteur, un ado,
c’est con, incompris et sous hormones : ce sera donc la
feuille de route de tout le film ! Ô joie, ô allégresse !
Trêve de célébrations cependant car sur leur route se dressera L,
un enquêteur pas vraiment mystérieux ni même brillant qui, dans
une quête perpétuelle de son autre lui de papier, se complaira en
imitations dérangeantes.
Inspecteur Gadg'L |
Et là, sans que
j’ai besoin de continuer, on saisit le principal problème du film
qui est son rapport à l’adaptation. En effet, en apparence,
Wingard semble vouloir s’éloigner de l’œuvre original en
amenant l’action à Seattle et en prenant de ce fait des acteurs
éloignés physiquement de leur version papier pour éviter l’effet
cosplay ridicule. L’idée est louable mais le soucis est que, au
final, le film contredit ses intentions et se raccroche
continuellement à son support d’origine, amenant une comparaison
qui ne lui est pas favorable. Quitte à changer tout le contexte,
pourquoi donner le prénom de Light au personnage principal s'il ne
ressemble en rien à l’original ? Il en est de même pour L.
Après Black M, voici Black L... |
En n'assumant jamais
pleinement son indépendance, le film n’en ressort qu’affaibli et
paraît plus que jamais une photocopie vide des enjeux et de la
réflexion sur la justice et le pouvoir qui traversaient le manga de
Obata et Ōba.
Faute de temps et d’ambition, le Death Note Netflix va alors
se complaire dans une histoire young adult ayant la subtilité d’un
bulldozer. Le meilleur exemple est constitué par les nouvelles
règles du Death Note qui ne servent qu’à créer de grosses
facilités scénaristiques afin d’accélérer le dénouement. Il en
est de même pour les capacités déductives de L qui donnent plus
l’impression qu’il a lu le scénario au lieu d’enquêter.
D’ailleurs, j’espère que l’enquête n'est pas ce qui vous
intéressait dans le projet car c’est beaucoup plus palpitant et
tendu dans un bon Hercule Poirot des familles.
Hercule poireau dans l'cul ! |
Embrayons sur le
scénario tant il s'agit d'une enfilade d’incohérences flagrantes.
Je vous laisse les lister ou inventer un jeu d’alcool dont vous
ressortirez amochés (remarquez, le film en serait peut-être
meilleur !). Pour conclure, je ne reproche pas à ce Death Note
ses changements mais plutôt ses mauvais choix de changements, pas
assez radicaux et surtout faciles, qui empêchent le film de voler de
ses propres ailes.
Death Note
Homecoming
Cependant, au-delà
des montagnes embrumées de l’adaptation, le film en lui-même est
foncièrement bancal, ce qu’on peut voir déjà par le style visuel
choisi. On ne va pas se leurrer : j’aime bien les choix
visuels forts, sûrement un peu trop et le film a une identité, on
ne peut pas le nier. Que ce soit une esthétique néon par endroit,
des cadres débullés ou bien encore des ralentis esthétisants, le
film fait tout pour avoir de la gueule.
Désolé, je recycle, je n'ai pas d'autres images pour le décor... |
Le problème, c’est que j’avais l’impression par moment de
regarder Atomic Blonde mais je ne comprenais pas pourquoi. Là
où l’esthétique du film de David Leitch est justifiée par le
contexte de l’histoire, ici, on a l’impression que c’est là
juste parce que le film se cherche à tout prix une identité. Alerte
spoiler : le film n’en trouvera pas, opérant un numéro de
grand écart digne du grand JCVD en allant piocher dans toutes les
cases du divertissement young adult contemporain, de Destination
Finale à Spiderman. Remplacez le Death Note par une
morsure d’araignée et tac : un Peter Parker sauvage
apparaît !
Jean-Claude is aware, Turner is par terre ! |
Ce qu’il y avait
de fascinant avec Litght Yagami, c’était que, justement, il
n’avait aucun problème, il avait tout pour lui et il bascule
néanmoins dans la folie. En creux, on nous bougeait de notre zone de
confort avec l’idée que le mal peut aussi naître de l’ennui.
Pas besoin d’avoir été orphelin ou battu pour devenir un
psychopathe ! En revanche, Light Turner empile les clichés avec
la vigueur d’un athlète russe sous amphètes et nous place dans un
schéma tout de suite très confortable car déjà vu mille fois.
C’est l’underdog qui va se venger du monde qui le rejette. En
bref, c’est calibré pour plaire à un ado, enfin un ado vu par un
studio. Néanmoins, on pourrait se dire que c’est pas bête car le
bouquin aussi s’orientait vers un public oscillant entre
l’adolescence et l’âge adulte mais, mis à la sauce américaine,
tout est nivelé par le bas. Créez des problèmes à votre
personnage et, tout de suite, on lui assigne une psychologie
préfabriquée comme le public en a l’habitude.
Un autre signe de la
fainéantise de l’adaptation est la manière de gérer le propos a
priori assez universel de l’œuvre originale. Dans un pays comme
les États-Unis avec un concept tel celui du Death Note, il est
dommage de constater que les thématiques de la peine de mort, de la
prolifération des armes ou bien encore de la figure du super héros
justicier tout puissant sont survolées. Au lieu de poser des
questions propres à son nouveau contexte, le film va mollement
énumérer des évidences et mettre un peu de gore pour faire croire
aux ados de 12 ans impressionnables qu’ils regardent un truc
« adulte ».
Néanmoins, après
une enfilade de poncifs, on arrive péniblement à la fin du film où
un élément de scénario fort et intéressant aurait pu pointer le
bout de son nez, questionnant même un personnage de l’œuvre
originale. Mais bon, on se calme, c’est extrêmement mal amené,
tout comme la scène d’action finale qui fait vraiment office de
money shot totalement injustifié, histoire d’avoir une
bande-annonce avec de l’action.
Et une bande-annonce, une !
Cependant il y a
tout de même un choix assez réussi : la représentation de
Ryuk, le dieu de la mort. Plutôt que de nous assommer de CGI
approximative, le film fait le choix de laisser le démon dans
l’ombre, lui donnant ainsi une image de serpent tentateur
inquiétant, ce qui est une intéressante variation du personnage.
Je ne mange pas de ce pain-là, serpent ! |
Mais vous commencez à connaître le refrain : cet aspect reste largement
superficiel puisque Ryuk a un rôle plus que minime, se cantonnant à
cinq ou six minutes de figuration maxi.
My Chemical
Romance
Alors, me direz-vous : que
reste-t-il de Death Note une fois qu’on y a enlevé la
psychologie complexe, l’enquête haletante et la réflexion sur
l’homme et la société contemporaine ? Eh bien une bonne histoire
d’amour gnangnan comme on les aime ! En effet, nouveauté :
Misa, renommée Mia, devient l’élément manipulateur du couple
étant donné que notre bon Light Turner ne pouvait pas être méchant
(c’est quand même le héros, merde !).
Du coup, le rôle du
méchant revient à Mia qui n’en demandait pas tant car cette
foutue love story bouffe l’intrigue. Je suppose que c’est une
volonté de corriger le personnage de Misa un peu trop cruche dans le
manga original. Mais bon, quand on vous dit Death Note, qui
pense que l’histoire entre Misa et Light est le cœur du récit ?
Moi aussi j’aurais dit personne mais il semblerait que non.
Ma sorcière bien pinée ! |
D’ailleurs, une
autre relation est censée être mise plus en avant : celle
entre L et Watari. Encore une fois, je ne comprends pas ce qu’a
voulu me dire le scénariste. En effet, leur relation est à peine
évoquée ou alors à coups de dialogues creux puis, dans la dernière
partie, ça devient un élément capital changeant complètement le
personnage de L. Cette emphase n'est pas inintéressante mais elle
sert juste à nous bassiner à nouveau avec une pseudo relation
père/fils pour encore nous monter une psychologie comme on monte un
meuble Ikea.
Watari awazate ippon ! Soremade ! |
Cependant, la fin
ouverte laisse planer une suite qui, si elle a les noix de vraiment
prendre la direction suggérée, pourrait être un poil plus
intéressante. Wait and see comme on dit...
La Mort
vous va si mal
Ainsi, on arrive au
bout du film et on ne va pas se mentir : c’est avec un
sentiment de gâchis assez prégnant que le générique défile tant
les choix opérés semblent contradictoires. Ni réelle adaptation,
ni bonne transcription, ce Death Note est une œuvre
foncièrement bancale calibrée pour plaire à tout le monde et qui
ne plaira à personne. Un divertissement de producteur sans ambition
qui réduit son concept à un gimmick de scénario creux et
finalement assez vain. Encore une fois, on pourra apprécier l’effort
visuel du film même s'il se révèle très superficiel à l’image
de tout le projet. Mais c’est bien le seul point un tant soi peu
positif donc, bon, on s’y accroche...
Jamais deux sans trois, on recycle à nouveau ! |
Contrairement au
Ghost In The Shell sorti plus tôt cette année, il est
difficile de recommander ce Death Note même comme une porte
d’entrée dans un univers plus large et riche. Je veux dire que, si
vous connaissez Death Note, cette adaptation ne vous apportera
rien et si vous ne connaissez pas, bah vous aurez vu un Destination
Finale ultra maladroit et cliché. Reste que, dans l’hypothèse
où vous voulez un divertissement teenager sans prétention,
peut-être que cette mouture de Death Note pourra vous
plaire ; sinon, le manque d’ambition du projet vous rebutera
sûrement. Cependant, pour finir, il faut bien se dire que c’est
pas la faute des méchants adaptateurs américains comme on pourrait
le voir par le prisme d’un conflit bien manichéen. Pour vous
convaincre, essayez de jeter un œil aux deux films live japonais et
vous verrez qu’une bonne adaptation n'est qu'une question de
volonté et de vision, pas de nationalité.
Ici, en voulant
faire rentrer Death Note dans un carcan qui ne lui
correspondait pas, on assiste à la dénaturation d’une œuvre
riche et passionnante en quelque chose de finalement très lambda qui
jamais ne bousculera le spectateur ou mettra son éthique à
l’épreuve. Kira est-il un monstre ? Un sauveur ? Qu’aurions-nous
fait d’un tel pouvoir ? Tout est-il bon dans le cochon pour faire
justice ? Un pays qui condamne à mort n’est-il pas aussi
condamnable ? Aucune de ces questions ne vous sera posée autrement
que dans des dialogues bien patauds. Ah, en fait, quelqu’un a-t-il
compris pourquoi ils ont des flingues du futur ? Je veux dire :
merde, ça choque personne ?!
Au bal masqué ohé, ohé, ils flinguent, ils flinguent, ils flinguent... |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire