Mange tes morts - Autopsie d'une star de cinéma : le zombie

Ils arrivent...

     Je vais commencer cet article comme une bonne copie de philo de lycéen : "Le zombie existe depuis la nuit des temps..." Eh oui mais ce n'est pas totalement faux. Pour ne pas remonter plus loin, nous allons commencer au premier siècle de notre calendrier. Un type, quelque part, disait alors : "Mangez, ceci est mon corps...". Premièrement, c'est sympa pour les petits copains végétariens, mais surtout, une grosse tendance au cannibalisme pointait déjà le bout de son nez dans la religion chrétienne. Une pratique païenne dans la religion du modernisme ? Étrange ! Mais, s'il n'y avait que ça... Parce que non seulement le bon Jésus propose aux apôtres de becter son foie imbibé de vinasse, mais en plus, après avoir été crucifié, cloué, transpercé, tué, il est revenu d'entre les morts. Certes, quand on est fils de Dieu, on est pistonné question réanimation. Mais quand même, n'aurions-nous pas là un des premiers cas de mort-vivant de la culture judéo-chrétienne ?

La vraie préquelle à la série The Walking Dead


     Bref, vous l'aurez compris : le zombie, c'est vieux comme le monde - si tant est que ce soit Dieu qui l'ait créé en une semaine de 35 heures. Autrement, les dinosaures et autres formes de vies n'avaient sans doute pas de messi mort-vivant.

     Nous pouvons tout de même constater, en plus de la fascination pour l'idée de la mort, du fait d'en revenir ou de créer une forme de vie moyennement orthodoxe, que le zombie évolue. L'époque victorienne est bien loin avec ses monstres effrayants, un peu morts vivants aussi : Frankenstein, un patchwork de cadavres qui revient à la vie; Dracula, hémovore, pas complètement vivant, qui lancera la mode du vampire, lointain cousin aristo du zombie...


Le zombie est un rebelle

     Attention les loulous, préparez-vous à vous faire retourner le ciboulot. Le zombie, ce salaud qui bouffe la veuve et l'orphelin. Oui, ok... mais posons nous deux secondes ! En 1968, George Romero (Jojo pour les intimes) nous pose les bases de ce que nous appellerons "le zombie moderne" avec La Nuit des mort-vivants...

Vous avez un bel avenir devant vous les gars.

     ...non à cause de son parisianisme et de sa décadence hipster mais à cause de l'héritage qu'il laissera alors dans notre cinéma et notre iconographie. Bref, 1968, Jojo nous pond un film petit budget, noir et blanc (#nofilter) avec du maccab' et de la tripaille. Réjouissances au programme. Bad zombis, good heroes. Ok, se faire bouffer, c'est pas ouf mais... si les rôles étaient inversés ?

     1968, Guerre du Vietnam, Nixon est élu. Bref, le défilé des trous du cul ! Alors, la population se lève dans le bruit et porte des fleurs contre des fusils, contre l'oppression et la bien-bien-pensance qui fusillent de l'asiat' au nom de la liberté. Finalement, leur liberté est à gerber, le Vietnam une réunion d'enculés et les hippies sont les premiers à se dire que... peut-être que le monde ne tourne pas rond. Mais... les zombies... ne seraient-ils pas cette masse silencieuse synonyme de changement ?

     T'emballe pas poulette, je m'explique. Le zombie, c'est un changement brutal de notre société auquel les élites ne sont pas prêtes alors que, bien souvent, ce sont elles qui créent les abominations. Les zombies, ce sont ceux qui refusent les normes imposées par la société, qui crient, qui hurlent et qui bavent. On comprend pas, on les croit abrutis les bouffeurs de viande mais, en face, la résistance humaine discute, s'engueule, se tire la couverture. Tellement intelligent qu'ils ne vont pas survivre. Ma société a changé et les élites restent là comme deux ronds de flanc. Ils auront beau lutter : le peuple saura se faire entendre.

     Certes, peut-être que le mort-vivant répugne, qu'il choque, qu'il change. Mais, entre une horde de zombies ou les États-Unis de Nixon, qui choisir ? Face à une humanité qui se désintègre entre Rouges et Capitalistes, Noirs et Blancs, Riches et Pauvres, Athées et Croyants... Le zombie a quelque chose d'humain, lui qui n'est pas égoïste mais seulement affamé.

    Oui, quand l'humain devient trop con, il faut bien quelqu'un pour lui bouffer son cerveau atrophié et noyé dans la bière bon marché. Oui, le zombie abat le vivant et le politiquement correct. Oui, mesdames et messieurs, le zombie est un rebelle !


Le zombie nous montre qui nous sommes

     Quand l'Enfer recrache sa populace sur terre, ce n'est pas face à des zombies que les protagonistes se retrouvent mais bien face à eux-mêmes. Qui sont-ils vraiment ? Les masques de la société tombent petit à petit. Le film de zombie, c'est une vision bien souvent nihiliste de la société et de l'être humain. Chacun va tirer la couverture à lui-même et vouloir sauver son petit cul. Les groupes de survivants regroupent bien souvent un archétype de chaque classe sociale. Le gangster, le flic, le bourgeois, le jeune cadre dynamique... Et c'est là que la surprise va se créer : quand la loi ne tient plus mais qu'il faut obéir à des règles simples pour survivre. Entre coopération et égoïsme, il faut choisir ! Entre sacrifice ou fuite, quel est le meilleur choix ? Qui aura le courage d'avouer qu'il a été mordu ? A l'heure où l'unité devrait être de mise, on cherche des coupables telle la famille chinoise mal intégrée dans [•REC]. Comme à chaque crise, la peur prend le dessus et elle fait accuser celui qui est différent.

Oh là, on s'emballe pas les gars ! Ok, vous avez une conscience mais ce film est nul.

     On voit aussi parfois des petites histoires de cul prendre le pas sur la survie du groupe (The Walking Dead par exemple). Enfin, bon, même face à la mort, l'humain est égoïste. Dès qu'il peut, il abuse de son pouvoir qui se résume alors à savoir qui a le plus gros pétard ! On se tire dans les pattes, on a peur, on n'a plus confiance en son voisin, on se chamaille, on  s’entre-tue. Mais les zombies, eux, progressent. Ils ne sont qu'un. Ils sont moins cons que nous et c'est pour ça qu'ils gagnent à la fin. Dans Land of the dead, ce qui est loiiiiiiiiiiin d'être le meilleur Romero, les zombies commencent même à développer une conscience collective ou, tout du moins, une intelligence primale qui leur permet d'agir en groupe. Attention humains, Darwin n'aurait pas misé un kopeck sur nous et notre nombrilisme face à la rage et l'innocence enfantine d'un zombie qui cherche tout simplement... à manger.


Le zombie a lu Zola

     Au Bonheur des dames, l'histoire cannibale des grands magasins... La ruine des petits commerces face au grand centre qui ouvrait ses portes. Un consumérisme décomplexé, la foire au claquage de pépètes ! Trouver un emploi dans les grandes villes devenait bien dur et seuls ces grands magasins proposaient encore CDD, CDI et autres joyeusetés. Alors, quand la pauvreté frappe, Au Bonheur des dames s’avère un aimant à humains indéfectible.

"Putain de fils de pute de zombie qui me nique la dernière chemise en solde !!!"

     Dans Zombie de Romero ou son remake L'Armée des morts de Snyder, on retrouvera la même idée. Quand rien ne va plus et que les bouffeurs de chairs sont partout, les dernières poches de résistance vont se retrouver... dans un supermarché. Le grand magasin devient alors le rempart contre les hordes anarchistes mais aussi et surtout un lieu dans lequel les humains ont confiance. C'est le seul endroit que chacun connaît, c'est tout ce qui les rattache encore à leur ancienne vie qui se résume alors simplement à la consommation.

     Mais, pour survivre, il faut aller de l'avant, sortir de cette logique consumériste qui n'a plus cours dans un monde à feu et à sang. Ce magasin était leur vie, leur point de repère et, pourtant, il se transforme rapidement en piège mortel. Pour vivre, il faut fuir les magasins et, quand la société bat de l'aile et devient folle, il faut la quitter, retrouver sa part sauvage. Runnin' wild, runnin' free ! Fini le cadre mental imposé, finies les courses du mercredi, les chariots pleins à craquer, les mômes qui hurlent, les soldes et autres promotions sur le jambon. Tout s'écroule et les zombies, plus clairvoyants que nous, hurlent et bavent en tentant de nous faire comprendre qu'il faut fuir ce monde et que, pour la première fois, on va pouvoir goûter à la vraie vie, avec de véritables morceaux de fruits dedans.
   

Le zombie est humain

     Avec les zonzons, c'est la loi de la jungle : tuer ou être tué ! Alors d'accord, c'est pas bien jojo, mais quand il n'y a pas le choix, il n'y a pas le choix. C'est rien que du naturel, un vrai respect de la chaîne alimentaire. Il aura fallu un bout de temps mais, enfin, l'humain a trouvé son maître, son prédateur. Si la peur (justifiée) qu'il inspire est en partie due à sa fâcheuse tendance à l'anthropophagie, elle est aussi due à sa différence. Car le zombie est avant tout, rappelons-le, un Homme. Mordu, contaminé, changé, transformé. Une sorte de sale grippe, un virus à la con, le sida en plus vicieux, le cancer en plus vénère ! Forcément, on va s'écarter des zombies : ils sont une question sans réponse, une maladie sans vaccin. Ils font peur car ils sont différents. Différents et effrayants... Pas de bol, la sentence est irrévocable : une balle dans la tête ! On leur fait éclater le ciboulot. Leur apparence n'a plus grand chose d'humaine alors, pour les tuer, pour se dédouaner et tirer dessus comme si c'était un simple chien enragé, on tire dans la tête, on détruit l'organe qui unit la race humaine et qui en fait son exception. On lui retire toute condition humaine.

     Dans mort-vivant, il y a "vivant" et, pourtant, les sur-vivants n'en ont cure. Ils se sentent supérieurs alors que les fins de films montrent bien souvent que non ! Mais, pour eux, peu importe, cette maladie leur permet de tirer sans vergogne sur leurs anciens camarades... bien qu'ils ne représentent pas toujours une menace. Dans L'Armée des morts, le passe-temps des survivants est de tirer sur des zombies dans la rue alors qu'ils ne sont absolument pas une menace. C'est ici que les rôles s'inversent. Les zombies se battent pour survivre. Mais, parfois, les humains vont être cruels, tout simplement. Dans La Horde, les protagonistes vont s'amuser à narguer un zombie infirme. Si on rit au début, la scène instaure rapidement une sensation de malaise et un sentiment d'empathie naît pour la vraie victime du moment. Le grand frère finira par intervenir et rappeler au gamin qu'il devenait comme ceux qui avaient fait de leur enfance au pays un calvaire. Alors le zombie n'est pas cool, c'est sûr mais, en même temps, il n'y peut pas grand chose.

Là, c'est caca !

     On peut encore citer la dernière scène de Shaun of the dead quand l'humanité reprend le dessus dans toute sa splendeur et se sert des derniers zombies rescapés pour faire de la télé-réalité et autres émissions débiles. Heureusement, Shawn préfère quitter l'écran pour aller se faire une partie de Playstation avec son pote mort-vivant. Il reste donc une lueur d'espoir dans ce monde féroce.


Le zombie est un entertainer

     Et oui, le zombie n'en finit pas d'évoluer. Les premiers à être projetés sur grand écran étaient les zombies vaudou ayant perdus leur libre arbitre et obéissant à un maître. L'action se déroulait dans les îles des Caraïbes et insistait sur le côté primitif et exotique de la chose comme dans le film Vaudou de Jacques Tourneur.

Pas encore cannibale mais déjà bien flippant, le pépère !

     Puis, le zombie s'est rapproché de nos contrées avec les films de Romero. Et il est alors devenu un incontournable du cinéma d'horreur, indémodable, immortel. Si le slasher s'essouffle et représente les 80's, que le torture-porn ne se démocratise que peu et que les films à base de screamer sentant la pauvreté intellectuelle symbolisent l'entrée dans le XXIème siècle, le zombie, lui, reste à la mode.

     Mieux, il s'exporte. Européen de naissance, il part aujourd'hui aux États-Unis, bien évidemment, mais aussi en Asie où il finira par se faire sa place au soleil dans un cinéma déjà bien rempli de bêtes et autres monstres à tentacules. Le dernier exemple est sans doute le film coréen de Yeon Sang-Ho, Dernier train pour Busan, encore assez soft dans le sanglant mais plutôt sympa pour une soirée pop-Korn.

     Ayant déjà séduit le grand et le petit écran, le zombie n'a pas fini de se goinfrer. Il file se faire dessiner dans les BDs où même l'écurie Marvel lui a laissé carte blanche dans des albums Marvel zombie.
 
Ah, là aussi c'est caca !

     Les jeux vidéos aussi commencent à lui laisser une (grosse) place, allant du simple mode zombie sur Call of Duty (et dieu sait que je l'aime ce mode) jusqu'aux jeux bien plus scénarisés et encensés par les critiques et amateurs de gaming comme The Last Of Us, pour ne citer que celui-là. Le zombie n'a pas fini de proliférer, de nous faire kiffer, de nous défouler, de nous faire peur !
     Mais aussi de nous faire rire car, non, le zombie n'est pas sectaire et il est capable de sortir de son rôle, de se tourner en dérision, comme dans Shaun of the dead ou encore Bienvenue à Zombieland.

Tueur de zombie de la semaine

     Certes, une comédie à ne pas mettre entre toutes les mains puisque cette dernière reste assez sanguinolente mais, quand même, on se marre bien. Faire du macabre une raison de rire, désacraliser la peur de la mort, les théories ridicules de l'enfer qui recrache ses morts, c'est peut être ça, être un zombie ! Et, dans Zombieland, c'est aussi faire ressortir, encore une fois, ce besoin de liberté en chacun de nous, faire sauter notre Surmoi, redevenir un enfant un instant, savourer chaque moment du quotidien, vider un chargeur de kiff avec le flingue de la vie quoi ! Et là, on comprend mieux pourquoi la dernière scène du film se déroule dans un parc d'attraction : nous sommes tous des grands enfants, libres et fous. Dommage qu'il faille attendre de se faire bouffer le cul pour s'en rappeler.

Rob Zombie, Ahah ! Ok, je sors...

Une chronique servie par Corentin, votre maître zombie 8ème dan. Gare à vous, le zombie est partout, même sous votre lit. J'en connais qui vont mouiller les draps ce soir...

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